Kouroussa, à 2 h et demi de Kankan. Les souvenirs d’enfance du célèbre écrivain Laye né Abdoulaye Camara sont prégnants bien que lointains. Zoom sur ce qui reste de la forge familiale chantée dans L’enfant noir.

Nous sommes au quartier Doula à Kouroussa dans la cour familiale de l’écrivain ce lundi 29 septembre au petit matin. Quelques membres de sa famille paternelle sont présents. Ils sont d’un certain âge. Loin de vivre dans le luxe, ils avouent toutefois leur fierté d’avoir donné naissance au Prix international Charles Veillon de la littérature pour le roman L’enfant noir.
La forge familiale évoquée avec nostalgie dans ce roman autobiographique, bénéficie d’une petite clôture. L’entrée est conditionnée au paiement d’une contribution volontaire. L’atelier en question se trouve sous un préau d’environ 7 m2, un atelier somme toute modeste construit en terre battue porté par un toit de chaumière chancelant tressé de pailles sur du bambou. Cette construction composite d’amas de matériaux hétéroclites et précaires n’est pas loin de s’effondrer. Vraisemblablement, l’endroit manque d’entretien et n’est certainement pas encore une priorité pour le ministère guinéen du tourisme. La moisissure, les flaques d’eau et de l’herbe sont en passe de prendre le dessus. Difficile de se frayer un chemin pour y accéder. Une fois dans la forge justement, l’on aperçoit du petit outillage artisanal rouillé par le temps : au vestibule déjà, à droite, une large planche de bois brut posée transversalement sur 2 autres bouts de bois enfoncés dans le sol. Cette planche servait de places pour les clients et visiteurs, nous dit-on. Là-bas, une enclume est plantée dans le sol à équidistance de 2 foyers surmontés de mottes revêtues de croute de terre craquelant. L’un des foyers comprend un grossier souffleur de forge archaïque. Juste au coté gauche de ce dernier est posé un petit sceau en caoutchouc contenant quelques objets difficilement identifiables. C’est un ensemble de vestiges d’antan dispersés à même le sol, le tout entouré par un dépôt de poussière rouge brune. Les souvenirs sont certes prégnants, mais le décor dégarni. « L’atelier s’est vu cambriolé, plusieurs matériaux emportés », nous précise un parent de Laye sous anonymat.

L’assemblage des éléments cités plus haut dans cette petite fabrique appauvrie nous rappelle effectivement le métier des maîtres du feu, du fer et de l’or narré avec force détails dans L’enfant noir, ce roman devenu un classique dans la majorité des établissements scolaires voire universitaires, un livre de chevet pour les amoureux de la belle écriture mais aussi pour les personnes désireuses de se plonger dans les profondeurs de l’Afrique ancienne. Selon une dame rencontrée sur place, la famille Camara n’exercerait plus le métier de forgeron et orfèvre. Les intérêts semblent tournés vers d’autres fonctions et priorités.
Laye Camara est mort à 52 ans le 4 février 1980 au Sénégal. Il y était en exil à la suite de mésentente avec le régime politique d’alors. L’écrivain n’a pas pu bénéficier d’une sépulture digne de son rang à Kouroussa, cette ville qui l’a vu naître et dont il chante la tendresse maternelle et la chaleur familiale à travers son poème ‘A ma mère’, véritable panégyrique à la Femme Noire voire à toutes les mères du monde. Il fut l’auteur de 4 grands ouvrages, à savoir Dramouss, l’Enfant noir, Le regard du roi et Le Maître de la parole.
Près d’un demi-siècle après sa disparition, comment expliquer le dénuement de cette famille, l’abandon de cette prestigieuse forge entourée de mystère que tous rêvent de visiter un jour ?
Mandé Adams, de retour de Kankan