Région du Tonkpi/ Quand l’éducation se rapproche du monde rural

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L’école se porte désormais bien dans le Tonkpi. Et ce, après avoir été affecté par les nombreuses crises qui se sont succédé depuis 2002 et qui ont vu la destruction de plusieurs infrastructures. La région du Tonkpi peinait à décoller sur tous les plans. L’éducation était l’un des secteurs les plus touchés par ces crises. Les collèges et lycées devenus dégradés et vétustes n’arrivaient pas à accueillir, dans de bonnes conditions, le flot des élèves nouvellement orientés. À leur corps défendant, le personnel devait travailler dans des salles de classe surpeuplées de plus de 80 élèves. Conséquences, le taux d’échec était très élevé. Dans le secteur, il y’avait urgence. Fort heureusement, la politique de construction des collèges de proximité a permis de résoudre cette difficulté. Les élèves n’ont sont plus contraints de s’éloigner de leurs parents et ont vu les conditions d’études s’améliorer. Aujourd’hui, l’école a retrouvé ses lettres de noblesse. Constat.

Le 13 septembre dernier, les populations de Blapleu, une sous-préfecture située à une cinquantaine de kilomètres de Man dans le département de Biankouma, étaient dans la joie. Et pour cause, ce jour-là le conseil régional du Tonkpi livrait l’un des 14 collèges construits dans la région du Tonkpi depuis 2013. « Nous sommes heureux. Moi, particulièrement, je suis près de mes parents et chaque fois que j’aurai un besoin, je ne vais pas attendre le jour de marché où un appel pour avoir ce dont j’ai besoin. Mes parents sont là et il me suffit de rentrer à la maison pour être soulagé. Je pense bien que ce collège nous évite beaucoup de problèmes », se réjoui Gué Anatole, un jeune élève de cette école. Une joie que partage l’ensemble des élèves de cette Localité et leurs parents. Il en est de même pour les parents d’élèves de Mangouin-Yrongouin, un gros village dans la sous-préfecture de Biankouma où un collège de proximité a ouvert ses portes à la rentrée scolaire 2020-2021. Ce collège compte à ce jour plus de 165 élèves dont 91 filles (55,15%) et 74 garçons. L’établissement a célébré ses meilleures élèves, il y’a quelques jours. Il y’avait de quoi. Car il a enregistré 81,21% de taux réussite aux examens de fin d’année, 13,93% de redoublement et 4,84% d’exclus. De plus, l’etabluissement excelle en matière de sport. Il a ainsi pu remporter 4 trophées dans diverses disciplines sportives durant les tournois de l’office ivoirien des sports scolaires et universitaires (Oissu). L’encadrement, selon le personnel enseignant, est de qualité. Avec à la clé le relèvement du niveau en lecture des apprenants.

Plus de 48% de filles scolarisées

Les plus heureux de l’avènement des collèges de proximité sont en premier lieu les parents d’élèves. Blé Flan, fils et cadre de Mangouin-Yrongouin qui a reçu un collège flambant neuf dans son village ne cache pas sa joie. « Nos enfants étaient obligés d’aller sur Biankouma pour étudier. Cela nous créait d’énormes désagréments car il fallait en plus de leur envoyer de l’argent à chaque fois pour nous occuper d’eux mais il fallait également leur trouver un toit à défaut d’avoir un tuteur prêt à les prendre en charge. Tout ceci revenait cher à des pauvres paysans que nous sommes. Sans compter les risques de dépravation auxquels ils étaient exposés loin des parents. Nombreuses sont nos filles qui sont revenues enceintes», a-t-il relaté. Aussi, selon lui, le fait d’être loin des parents affectait les résultats de ces enfants. C’est pourquoi l’avènement du nouveau collège a été accueilli chaleureusement par les populations qui ont même organisé une fête. Désormais, les parents ont leur enfant à côté d’eux et peuvent les suivre de près. « Depuis que nous avons notre collège de proximité, c’est un véritable ouf de soulagement pour nous parents d’élèves. Nos enfants seront désormais à l’abri des tares de la société et leur rendement à l’école va s’améliorer désormais », se réjouit-il. Autre avantage, ces collèges de proximité, ont des retombées économiques pour les localités d’accueil. En plus des professeurs et autre personnel administratif qui arrivent ainsi que d’autres enfants des villages environnants, le village se développe petit à petit. Tout ce monde permet aux commerçants de faire la bonne affaire. « Aujourd’hui Mangoui-Yorogouin est en train de devenir comme une petite ville. Notre village bouge désormais grâce à ce collège de Proximité », confie Blé Flan, habitant du village.

Une des conséquences directe de la construction de ces collèges, reste inéluctablement l’augmentation considérable du taux de scolarisation des enfants notamment des jeunes filles. Ce taux, selon les chiffres fournis, est passé à 48% dans le village. Les différents abandons étaient surtout liés celui des filles qui par faute de moyens ou parce qu’elles étaient enceintes préféraient arrêtés les cours. La direction régionale de l’éducation nationale et de l’alphabétisation du Tonkpi couvre la zone du Tonkpi c’est-à-dire le département de Man, Biankouma, Sipilou Danané.

La raison d’être de ces collèges

Selon Beugre née Eby Nlane Rosalie, directrice régionale de l’éducation national et de l’alphabétisation de Tonkpi lors d’un entretien, situant le contexte de l’avènement des collèges de proximité, a expliqué qu’il relève de plusieurs constats. D’abord, la distance très éloignée des collèges existants des lieux d’habitation des apprenants. Ce qui contraint les parents à aller chercher soit des tuteurs dans les villes où des habitations pour ces enfants. « C’est le problème de distance qui engendre les autres problèmes. Les enfants sont obligés de chercher des tuteurs pour rester en ville et aller à l’école. Cela les expose aux différents tares qui minent la société. Consommation de drogues, prostitution, délinquance juvénile le tout accentuée par les grosses non désirées et précoces chez les jeunes filles », a-t-elle énuméré. Le manque de collèges de proximité a entraîné un autre phénomène qui est des plus cruciaux : l’abandon scolaire. « Plusieurs parents, faute de moyens, se sont vus dans l’obligation de garder leur enfant à leur côté pour qu’ils travaillent au champ et les soutiennent. Par crainte de voir leurs enfants s’adonner à des actes répréhensibles en ville, certains ont purement préféré les retirer et les garder à leurs côtés. Cette situation a donc entraîné la déscolarisation de nombreux enfants », poursuit-elle. Elle évoque aussi les nombreux cas d’échecs scolaires liés au changement d’environnement de certains élèves. « Beaucoup d’élèves affectés en 6e loin de leurs parents éprouvaient d’énormes difficultés pour s’intégrer. Des parents, du fait de leur situation financière, refusaient malgré eux de faire inscrire leurs enfants dans les grandes villes, souvent, très éloignées de leur habitation. Ils préfèrent donc jeter l’éponge », fait savoir la Drena. Qui salue l’arrivée des écoles de proximité comme une véritable bouffée d’oxygène pour les parents d’élèves et le personnel enseignant.

Des écueils à lever

Deux Difficultés principales plombent, cependant la bonne marche de ce projet ambitieux au niveau de la région du Tonkpi. Il s’agit du déficit d’enseignants ainsi que du manque de cantine scolaire dans ces établissements. Dilué G Mohamed Fils, éducateur au collège de proximité Mangouin-Yrongouin, évoque un besoin en enseignants, surtout en mathématiques et en sciences physiques. Il arrive aussi, fait-il savoir, que certains de ces établissements viennent à manquer de professeurs de français, d’Espagnol, Allemand ou d’anglais. Dans ces cas, les premiers responsables de ces écoles sont obligés de faire appel à des bénévoles pour combler le vide. Quant aux élèves, ils souhaitent que leurs établissements soient dotés de cantines scolaires. Selon eux, les cantines scolaires vont booster le taux de réussite et réduire le nombre de grossesses car certaines filles sont obligées de se livrer au premier venu pour faire face à des besoins existentiels. A ces deux problèmes s’ajoutent, l’extension des bâtiments déjà construits. Avec le taux d’élèves qui croit chaque année, il est judicieux que des bâtiments soient ajoutés aux ceux existants. Le matériel didactique, fait en outre défaut dans nombre de ces établissements.

Doumbia Seydou

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