En Côte d’Ivoire nous ne sommes pas à l’abri du mal.
Dossier, Par Kindo Ousseny / Une épidémie de fièvre de Lassa, proche de la fièvre d’Ebola s’est déclenchée dans la sous-région ouest Africaine, notamment au Nigeria avec plus de 30 morts, au Benin, au Togo, au Mali, en Guinée-Bissau avec 2 cas de décès, et en Guinée Conakry où un premier cas de décès a été signalé le week-end dernier.
Mais c’est quoi la Fièvre de Lassa ?
La fièvre de Lassa est une maladie virale aigüe présente en Afrique de l’Ouest. Cette maladie a été découverte en 1969 lorsque deux infirmières missionnaires sont mortes au Nigeria. Le virus tire son nom de la ville du Nigeria dans laquelle les premiers cas sont apparus. Appartenant à la famille du virus Arenaviridae, ce virus à ARN à simple brin est zoonotique, c’est-à-dire transmis par les animaux.
La fièvre de Lassa est endémique dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest, notamment en Sierra Leone, au Liberia, en Guinée et au Nigéria ; toutefois, d’autres régions sont également exposées du fait que l’animal vecteur du virus de Lassa, le « rat plurimammaire » (Mastomys natalensis) est présent dans toute la région. En 2009, le premier cas au Mali a été signalé par un voyageur vivant dans le sud du pays ; le Ghana a déclaré les premiers cas sur son territoire fin 2011. Des cas isolés ont également été signalés en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, et il existe des signes sérologiques d’infection au virus de Lassa au Togo et au Bénin.
Le nombre annuel de cas d’infection au virus de Lassa en Afrique de l’Ouest est estimé entre 100.000 et 300.000, avec près de 5.000 décès. Il s’agit malheureusement d’estimations brutes car la surveillance des cas de la maladie n’est pas réalisée de façon uniforme. Dans certaines régions de Sierra Leone et du Liberia, il est établi qu’entre 10 et 16 % des personnes admises à l’hôpital chaque année sont atteintes de la fièvre de Lassa, et cela met en évidence le grave impact de la maladie sur les habitants de cette région.
Transmission
Le réservoir, ou hôte, du virus Lassa est un rongeur connu sous le nom de « rat plurimammaire » (Mastomys natalensis). Une fois infecté, ce rongeur est capable d’excréter le virus par l’urine pendant une période prolongée, et peut-être même pour le reste de sa vie. Les rongeurs Mastomys se reproduisent fréquemment et sont très prolifiques. Ils sont nombreux dans les savanes et les forêts de l’Ouest, de l’Est et du centre de l’Afrique. En outre, les rongeurs Mastomys colonisent facilement les maisons et les endroits où des aliments sont entreposés. Tous ces facteurs contribuent à la transmission relativement efficace du virus Lassa de rongeurs infectés aux humains.
La transmission du virus Lassa se produit le plus fréquemment par ingestion ou inhalation. Les rongeurs Mastomys excrètent le virus par l’urine et les déjections, et le contact direct avec ces matières, à travers le contact avec des objets souillés, l’ingestion d’aliments contaminés ou l’exposition à des coupures ou des blessures ouvertes peuvent provoquer la contagion.
Du fait que les rongeurs Mastomys vivent souvent à l’intérieur et aux alentours des maisons, à la recherche de restes de nourriture ou d’aliments mal stockés, la transmission par contact direct est courante. Les rongeurs Mastomys sont quelquefois utilisés comme source de nourriture et l’infection peut survenir lorsque ceux-ci sont attrapés et préparés. Le contact avec le virus peut aussi se produire lorsqu’une personne inhale l’air contaminé par de fines particules en suspension qui contiennent des excrétions de rongeur infecté.
Le contact direct avec des rongeurs infectés n’est pas le seul mode de contamination des personnes. La transmission interhumaine est possible après l’exposition aux virus présent dans le sang, les tissus, les sécrétions ou les excrétions d’un individu atteint du virus Lassa. Le simple contact (y compris le contact corporel sans échange de fluides corporels) ne transmet pas le virus Lassa. La transmission interhumaine est courante dans les établissements de soins de santé (transmissions nosocomiales) lorsqu’un équipement de protection individuelle (EPI) adapté n’est pas disponible ou n’est pas correctement utilisé. Le virus Lassa peut se propager via la contamination d’équipements médicaux, tels que les seringues réutilisées.
Signes et symptômes
Les signes et symptômes de la fièvre de Lassa apparaissent typiquement 1 à 3 semaines après que le patient soit entré en contact avec le virus. Dans la majorité des infections par le virus de la fièvre de Lassa (environ 80 %), les symptômes sont légers et échappent à tout diagnostic. Ces symptômes comprennent une légère fièvre, une sensation de mal-être et un état de faiblesse généralisé, ainsi que des maux de tête. Toutefois, dans 20 % des cas d’infections, la maladie évolue vers des symptômes plus graves, notamment des hémorragies (dans les gencives, les yeux ou le nez, par exemple), des difficultés respiratoires, des vomissements répétés, un gonflement du visage, des douleurs dans la poitrine, le dos et l’abdomen, et un état de choc. Des problèmes neurologiques ont également été décrits, notamment une perte auditive, des tremblements et des encéphalites. Le décès peut se produire dans les deux semaines suivant l’apparition des symptômes en raison d’une défaillance multi-viscérale.
La complication la plus courante de la fièvre de Lassa est la surdité. Différents degrés de surdité se produisent dans environ un tiers des infections et, dans de nombreux cas, la perte auditive est permanente. Il n’existe à notre connaissance aucun lien entre la gravité de la maladie et cette complication : la surdité peut apparaître dans les cas bénins aussi bien que dans les cas graves.
Environ 15 à 20 % des patients hospitalisés pour la fièvre de Lassa meurent de cette maladie. Toutefois, seulement 1 % des cas d’infection au virus Lassa résultent dans des décès. Le taux de mortalité des femmes dans leur troisième trimestre de grossesse est particulièrement élevé. Les avortements spontanés sont une complication grave de la maladie, avec un taux de mortalité estimée 95% chez les fœtus de femmes enceintes contaminées.
Les symptômes de la fièvre de Lassa sont si variés et si peu spécifiques que le diagnostic clinique est souvent difficile. La fièvre de Lassa est également associée à des épidémies ponctuelles durant lesquelles le taux de létalité peut atteindre 50 % chez les patients hospitalisés.
Risque d’exposition
Les personnes les plus à risque de contracter le virus Lassa sont celles qui vivent ou se rendent dans des régions endémiques, notamment en Sierra Leone, en Guinée et au Nigéria, et qui sont exposées au rat plurimammaire. Le risque d’exposition peut également exister dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest où des rongeurs Mastomys sont présents. Le personnel hospitalier ne court pas un grand risque quant à une éventuelle infection tant que des mesures de protection et des méthodes de stérilisation adéquates sont appliquées.
Diagnostic
La fièvre de Lassa est le plus souvent diagnostiquée par la réaction d’amplification en chaîne par polymérase (RT-PCR), qui doit être utilisée dans la première phase de la maladie. Les tests d’immuno-absorption enzymatique (ELISA), qui détectent l’antigène du virus Lassa et les anticorps IgM et IgG ainsi, peuvent être utilisée dans la première et deuxième phases de la maladie, respectivement. La culture du virus peut être réalisée en 7 à 10 jours, mais cette procédure doit uniquement être effectuée dans un laboratoire à haut niveau de confinement conforme aux bonnes pratiques de laboratoire. L’immunohistochimie, réalisée sur des prélèvements de tissus fixés au formol, peut être utilisée pour émettre un diagnostic post-mortem.
Traitement
La ribavirine, un médicament antiviral, a été utilisée avec succès chez les patients atteints de la fièvre de Lassa. Ce médicament s’est avéré particulièrement efficace lors de son administration dès les premiers symptômes de la maladie. Les patients doivent également recevoir un traitement de soutien visant à préserver un niveau de fluide approprié, à maintenir l’équilibre électrolytique, l’oxygénation et la pression sanguine, ainsi qu’un traitement pour les infections qui compliquent les troubles.
Prévention
La transmission du virus Lassa de son hôte à l’homme peut se prévenir en évitant le contact avec des rongeurs Mastomys, en particulier dans les régions géographiques sujettes aux épidémies. Conserver les aliments dans des récipients à l’épreuve des rongeurs et maintenir la maison propre contribuent à décourager les rongeurs d’entrer dans les maisons. Il n’est pas recommandé d’utiliser ces rongeurs comme source alimentaire. La pose de pièges à l’intérieur et à proximité des maisons peut contribuer à réduire les populations de rongeurs ; toutefois, la présence étendue des Mastomys en Afrique rend le contrôle des rongeurs difficilement applicable.
Lors des soins de patients atteints de la fièvre de Lassa, la transmission par contact d’individu à individu ou l’infection nosocomiale peuvent être évitées en adoptant des mesures de précaution évitant le contact avec les sécrétions du patient (dénommées précautions d’isolement contre les FHV ou méthodes de protection du personnel soignant). De telles précautions comprennent le port de vêtements de protection, tels que masques, gants, blouses et lunettes ; l’utilisation de mesures de prévention des infections, telles que la stérilisation complète de l’équipement ; et l’isolement des patients infectés afin de préserver les personnes non protégées jusqu’à ce que la maladie ait disparu.
En outre, l’éducation des habitants des zones à haut risque sur les moyens de réduire les populations de rongeurs dans leurs foyers contribuera au contrôle et à la prévention de la fièvre de Lassa. D’autres défis incluent le développement de tests de dépistage plus rapides et l’augmentation de la disponibilité de l’unique traitement disponible : la ribavirine. Des recherches sont en cours pour développer un vaccin contre la fièvre de Lassa.