Man/ Reportage Retour à la terre : Deux jeunes diplômés sur la voie du succès dans la culture du manioc

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À 18 kilomètres près du village de Fangnapleu, dans le département de Man, l’air est rempli des sons naturels des oiseaux et des outils agricoles frappant la terre fertile. C’est ici que nous retrouvons You Lagoué Jules et Taha Oscar Joël, deux jeunes diplômés passionnés d’agriculture ce lundi 1er octobre 2024 à 10h30mn. Leur champ de quatre hectares est désormais à maturité, et lors de notre visite, les deux agriculteurs ont fièrement déterré quelques tubercules de manioc, fruits d’un labeur acharné depuis plusieurs mois.

You Lagoué Jules, titulaire d’un BTS en gestion, est aujourd’hui reconnu comme un agriculteur accompli. Loin des salles de classe où ses parents l’imaginent enseigner l’anglais, You a choisi une autre voie : celle de la terre. Son amour pour la culture du manioc s’est traduit en un engagement ferme pour la sécurité alimentaire. “Le manioc est une bénédiction pour nos familles”, déclare-t-il tout en nous montrant un tubercule fraîchement déterré. “Avec cette plante, nous produisons l’attiéké, le gari, le foutou, la farine… tant de produits qui nourrissent notre peuple.”

Le soleil éclatant éclaire les rangées de manioc arrivées à maturité. Le bruit des dabas et des machettes accompagnait l’équipe d’ouvriers dans les dernières étapes du défrichage et de la récolte. “C’est une étape cruciale”, explique You. “Maintenant que nos plants ont atteint leur pleine croissance, nous devons nous assurer que la récolte se déroule dans les meilleures conditions pour garantir la qualité de nos produits.” Soutient-il.

“Mais pour vraiment tirer parti de cette culture, il nous manque encore les outils nécessaires à la transformation.”, précise-t-il.

Une passion enracinée dans l’agronomie

À ses côtés, Taha Oscar Joël, diplômé de l’Institut de Gestion Agro-Pastorale de Korhogo, partage la même passion pour l’agriculture. Comme You, il a choisi de se concentrer sur la culture du manioc après avoir participé à un forum économique en 2019. C’est ce qui les a poussés à abandonner le maraîchage pour une spéculation qu’ils considèrent comme l’avenir de l’agriculture en Côte d’Ivoire. “Nous avons pris une décision importante en 2019”, confie Taha en déterrant un autre tubercule. “Le manioc n’est pas seulement une source de revenus, il est au cœur de la sécurité alimentaire.”

Aujourd’hui, le manioc est devenu le pilier de leur exploitation. À travers leur entreprise, ils forment d’autres agriculteurs aux techniques modernes, notamment l’utilisation du compost pour enrichir les sols et améliorer les rendements. “Nous croyons que chaque jeune devrait avoir l’opportunité de travailler la terre de manière professionnelle”, ajoute Taha, “et c’est pour cela que nous avons fondé notre SARL.”

Leur exploitation repose sur des techniques modernes, comme l’utilisation de compost pour améliorer les sols. “Nous savons que l’agriculture est l’avenir, mais sans financements et sans équipement pour transformer, nous restons limités à cette première étape”, précise Taha.

Les deux jeunes entrepreneurs n’ont pas toujours eu la vie facile. Ils ont commencé en 2019 avec un maigre capital de 200 000 FCFA, investissant dans les semences et les outils. Cependant, grâce à leur travail acharné et à leur persévérance, ils génèrent aujourd’hui entre 1 et 1,5 million de FCFA par cycle de production soit environ 7 à 10 mois d’activité. Lors de notre visite, ils ont fièrement exposé leur première récolte à pleine maturité. “C’est une récompense pour tous nos efforts”, explique You, tenant un manioc de taille imposante. “Cela prouve que même avec peu de moyens, nous pouvons réussir si nous sommes déterminés.”

L’un des défis auxquels ils font face est la conservation du manioc, un produit périssable. “Le manioc doit être transformé rapidement après la récolte”, souligne Taha. “C’est l’un de nos prochains objectifs : construire une unité de transformation pour ne pas perdre cette richesse.”

Un troisième partenaire engagé

En voyant ses amis sur le chemin de la réussite, Gogbeu Yan Elisé, un autre jeune passionné d’agriculture, les a rejoints dans cette aventure. Élisé, titulaire d’un baccalauréat G2, rêvait autrefois de poursuivre ses études, mais il a rapidement vu le potentiel de l’agriculture comme pilier de développement pour la Côte d’Ivoire. “L’agriculture est l’avenir”, affirme-t-il, les mains couvertes de terre après avoir déterré un autre manioc. “Nous devons investir dans notre terre pour nourrir nos familles et faire prospérer notre pays.”

Issu d’une famille modeste, Élisé a décidé de suivre ses amis pour développer l’agriculture de manière professionnelle. “C’est plus qu’un travail pour moi, c’est une mission”, dit-il en observant le champ. “Je veux montrer à la jeunesse que nous pouvons réussir ici, dans notre pays, sans chercher ailleurs.”

Une ambition pour l’avenir

L’un des plus grands rêves des trois jeunes est de créer des champs-écoles pour former d’autres agriculteurs aux techniques modernes. “Nous croyons en l’éducation”, affirme You en contemplant la récolte. “Si nous parvenons à enseigner à d’autres jeunes les bonnes pratiques agricoles, nous contribuerons à la croissance économique de notre pays. Nous voulons surtout partager nos connaissances avec d’autres jeunes et les aider à voir l’agriculture comme une voie d’avenir”, déclare You. Mais là encore, sans ressources financières adéquates, cette ambition reste à l’état de projet. “Pour que notre vision prenne vie, il nous faut plus de soutien”, affirme Taha.

L’avenir s’annonce prometteur pour eux. Leurs ambitions ne se limitent pas seulement à la production. Ils cherchent à investir dans la recherche agronomique pour améliorer leurs rendements à l’hectare et garantir des récoltes plus abondantes à chaque cycle. “L’innovation est essentielle”, ajoute Taha. “Nous devons constamment chercher à améliorer nos techniques pour rester compétitifs.”, relève-t-il.

Un choix inspirant pour la jeunesse ivoirienne

Ce que You Lagoué Jules, Taha Oscar Joel et Gogbeu Yan Elisé ont accompli est remarquable. Avec peu de moyens, ils ont su transformer leur rêve en réalité, et leur succès est une source d’inspiration pour toute la jeunesse ivoirienne. Leur parcours illustre que l’agriculture, loin d’être une activité de dernier recours, est un secteur porteur, capable de générer des revenus et de créer des emplois. À travers leur engagement, ils tracent la voie pour une nouvelle génération d’agriculteurs, prêts à contribuer à la sécurité alimentaire et au développement économique de la Côte d’Ivoire.

Kindo Ousseny

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