La tension monte dans le secteur Éducation-Formation en Côte d’Ivoire
L’Intersyndical du secteur éducation-formation (ISEF) a entamé une tournée nationale de remobilisation, avec une étape clé à Man, où s’est tenue une rencontre dans la salle des conférences du Lycée moderne Dion Robert, le 15 novembre 2024. Cette initiative vise à consolider les bases syndicales en vue des prochaines négociations avec le gouvernement et, si nécessaire, préparer de nouvelles actions de protestation.
Après une grève de 72 heures les 15, 16 et 17 octobre 2024, jugée “totalement réussie” par l’ISEF, les tensions se sont accrues entre le gouvernement et les syndicats enseignants. Achi Béché Toussaint, inspecteur principal d’histoire et géographie et chef de la délégation de l’ISEF, a dénoncé les sanctions infligées aux enseignants grévistes. « Au lieu d’apporter une réponse à notre plateforme revendicative, l’État nous a servi des sanctions : suspension de salaires pour certains leaders syndicaux et ponctions sur ceux des grévistes », a-t-il déclaré.
Pour le syndicaliste, ces mesures, perçues comme injustes, ont renforcé la détermination des enseignants. La tournée en cours a pour but de maintenir la mobilisation en vue de l’Assemblée générale prévue le 30 novembre prochain à Abidjan.
Les chiffres avancés par l’ISEF témoignent de l’ampleur de la mobilisation lors de la grève d’octobre. Selon Achi Béché Toussaint, 100 % des établissements techniques et 94 % des établissements d’enseignement général étaient fermés. « Nous avons atteint des taux jamais réalisés auparavant, et cela grâce à une mobilisation largement menée via les réseaux sociaux », a-t-il précisé.
Pour l’ISEF, la grève n’est pas une fin en soi, mais un moyen de pression. « Nous voulons des négociations constructives, qui mènent à des résultats. Personne ne souhaite priver les enfants d’école, mais si rien n’est fait, nous n’hésiterons pas à utiliser notre ultime arme : la grève », a averti Achi Béché Toussaint.
La principale revendication porte sur l’instauration d’une prime d’incitation pour les enseignants, perçue comme un levier essentiel pour améliorer la qualité de l’éducation en Côte d’Ivoire. « Il faut garantir une rémunération décente et des conditions de travail dignes pour offrir un système éducatif performant », a plaidé le chef de la délégation.
Par ailleurs, l’ISEF conteste la loi antigrève adoptée en 1992, qu’elle qualifie d’anticonstitutionnelle. Selon les syndicats, cette loi restreint les libertés syndicales pourtant garanties par la Constitution ivoirienne et les conventions internationales.
Pour désamorcer la crise, l’ISEF mise sur le comité sectoriel de négociation prévu le 28 novembre. « Si le comité consultatif permet de résoudre la question des primes, il n’y aura plus de grèves. Mais au cas contraire, nous sommes prêts à agir », a prévenu Achi Béché Toussaint.
Les responsables syndicaux insistent sur la nécessité d’un dialogue sincère et productif. Ils exhortent le gouvernement à éviter des négociations de façade, susceptibles d’aggraver le conflit.
À Man, la visite des leaders syndicaux a redonné espoir aux enseignants locaux, éprouvés par les ponctions et suspensions de salaires. Watta Nobou Olivier Stéphane, porte-parole local de l’ISEF, a salué cette démarche. « La venue de nos responsables est un soulagement pour nos camarades. Cela nous remobilise et nous redonne de la force pour poursuivre notre lutte », a-t-il confié.
Alors que la tension reste palpable, tous les regards sont tournés vers les négociations prévues dans les semaines à venir. Si les revendications des enseignants ne trouvent pas de réponses satisfaisantes, le secteur éducation-formation pourrait connaître de nouvelles perturbations, avec un impact significatif sur l’ensemble du système éducatif national.
Kindo Ousseny