Les producteurs de cacaos et de café dans l’ouest montagneux sont dans une galère qui ne dit pas son nom. Les opérateurs de leurs côté broient du noire avec des centaines de tonnes de café et de cacao stockés dans les magasins parfois sans emballage. Man-ville.net est allé à la rencontre des acteurs de terrain.
Le Dimanche 26 janvier 2022, nous rendons visite au Président du conseil d’administration de la Société coopérative avec Conseil d’administration Sinikan, (Scoop-A S), Traoré Mamadou Lamine. C’est un opérateur attristé que nous avons rencontré dans les locaux de sa coopérative où les agents sont à la tâche pour les tries du café et la conservation du cacao dans des sacs non homologués. Parmi les difficultés auxquelles ils sont confrontés, il y a le problème de livraison au port et le souci de la sacherie. « Le problème, c’est que nous avons des difficultés à livrer nos produits au port. Et nos exportateurs nous disent qu’ils ont atteint leur volume et du coup, nous ne pouvons pas décharger. Nous sommes une coopérative certifiée. Mais malgré ça, nous avons plus de 1000 tonnes de cacao stockés dont 700 tonnes au grand magasin et 300 dans les magasins annexes.», a déploré le président de l’une des importantes coopératives agricoles de la région.
« Le système est que lorsque vous êtes une coopérative certifiée et que vous avez un volume à livrer à cet exportateur et que vous atteignez votre limite, vous êtes obligés d’arrêter la livraison. Or, pendant ce temps, les producteurs continuent de nous livrer en dépôt vente. Et nous sommes obligés de prendre les produits pour les mettre dans les magasins. C’est ce qui fait que ce volume est bien visible », a soutenu l’opérateur du secteur café cacao.
Dans leur ensemble, les opérateurs ne sont pas suffisamment informés selon leurs dires sur les véritables causes de cette mévente du cacao et du café. Alors qu’ils subissent la pression des producteurs qui peinent à joindre les deux bouts. « Nous n’avons pas d’explication claire, le conseil café cacao ne nous donne pas d’explication claire. Et les explorateurs nous disent qu’ils ont réduit leur volume d’ordinaire de 20% qu’on a remis aux petits exportateurs locaux. Or, ceux-ci n’ont pas les moyens pour lever ces volumes-là auprès des coopératives de base. Quand c’est comme ça, nous avons un problème sérieux avec nos producteurs. Il faut que le conseil essaie de voire ce problème pour qu’on ne se retrouve pas chaque année dans cette même situation. Nous avons toujours le sommeil perturbé », a-t-il souligné.
Selon lui, certains producteurs viennent dans les locaux de la coopérative avec leurs enfants malades, des ordonnances medicales en mains, parfois en pleurant parce qu’ils n’ont rien. « ça fait pitié et nous sommes très souvent obligés de mettre la main à la poche pour faire face à ces situations et trouver de l’argent pour subvenir aux besoins de ces membres qui sont en difficultés », a-t-il noté.
Selon lui, le problème lié à la sacherie demeure un problème crucial. « La sacherie cause d’énormes difficultés aux société coopératives. Et ça fait plus de de 3 ans que ce problème perdure. L‘année surpassée nous avons dépensé 35 millions dans la sacherie, et l’année passée, nous avons dépensés autour de 32 millions. Mais cette année déjà, à la veille de la campagne, nous avons acheté 16 millions de sacs et tout est fini. Après cela nous avons encore acheté près de 12 millions de sacs, tout est fini, et malheureusement quand nous livrons les produits au port, ont nous rembourse avec des sacs pourris qu’on ne peut pas utiliser. Et quand on vous dit le prix d’une balle de sacs, vous avez mal à la tête », relève Malamine Traoré.
A Mahapleu dans le département de Danané, c’est le même décore chez les producteurs et les opérateurs. Ouédraogo Gomdaogio Fidèle, lauréat du prix du meilleurs producteurs de département de Danané et meilleure coopérative 2021, président du conseil d’administration de la société coopérative avec conseil d’administration Unité de Danané, (Scoop-CA Udan), présente le même décore dans ses magasins. Lui aussi est confronté à ce grave problème de sacherie. « Ici le problème se sac est très sérieux. J’ai acheté des sacs à hauteur de 5 million pour envoyer le cacao au port d’Abidjan et en retour, aucun sac restitué. Nous avons des problèmes avec le conseil café cacao qui n’arrive pas à nous fournir les sacs comme convenu. Présentement nous avons plus de 350 tonnes de cacao et presque la même quantité en café stocké dans nos magasins et il n’y a pas de sacs pour les conserver. Au port, impossible de livrer les produits alors que nous sommes une coopérative certifiée. Impossible de décharger le cacao à Abidjan », fulmine-t-il.
Selon lui, les connaissements ne se valident pas, impossible d’évacuer les produits, les producteurs menacent de faire une descente sur la coopérative, d’autres veulent porter plainte à la gendarmerie contre la coopérative Scoop-CA UDAN et la situation devient de plus en plus intenable. « Nous avons une certification RA avec un volume à livrer de plus de 1900 tonne de cacao. Mais, impossible de livrer au port. Les sacs qui coutaient entre 7500 et 1200 quand les prix montent est aujourd’hui à 20 milles voire plus, sur le marché à Man », a indiqué le président de coopérative et producteur de café et cacao.
« Ici, j’ai au minimum 500 tonnes de cacao stockés dans les magasins et dehors et au moins 250 tonnes de café qui se trouvent dans les mêmes conditions », regrette-t-il. Dans la plupart des magasins visités, si les produits ne sont pas dans des sacs en nylon, ils se retrouvent entassés sur des bâches à l’air libre. Or les sacs en nylon dégradent la qualité du cacao et du café.
A Biankouma, le problème demeure les mêmes soucis de sac, et d’écoulement. La société coopérative de sipilou dont l’un des plus grands magasins se trouve au pied du mont Bian vie les mêmes réalités. Cette coopérative n’est pas certifiée, et dans ses magasins, il y a un stock de 140 tonnes de cacao. Selon son président Kaboré Issaka. Elle avait pour habitude de traiter avec des opérateurs plus nantis. Or, il se trouve que ces coopératives sont aujourd’hui mal lotis en matière de vente des produits, ce qui impacte gravement sur leurs activités et leurs agents et pisteurs broient du noir en ce moment.
Quand, aux producteurs, c’est la traversée du désert chez eux, Aboubakar Simporé après avoir livré son cacao à sa coopérative n’a que son reçu en main pour se consoler. « Ça fait deux semaines que j’ai livré une tonne et demie de cacao à la coopérative à laquelle je suis affilié, mais jusque-là, aucune nouvelle de mon produit. Lorsque je me renseigne, on me dit qu’il est impossible de décharger au port, ce qui fait que notre cacao est encore dans le magasin à Man », déplore ce planteur dont le champ se trouve sur la route de Sémien. Et ils sont nombreux ces producteurs qui n’arrivent pas à jouir du fruit de leur labeur.
Nos tentatives de comprendre la situation auprès du conseil café cacao sont restées sans suite. Nous avons été priées de nous référer à la haute hiérarchie au niveau d’Abidjan.
Face à cette situation, les opérateurs, les présidents des sociétés coopératives et les producteurs ont le regard tourné vers le conseil café cacao et le gouvernement en qui, ils fondent un réel espoir pour le dénouement de cette situation qui devient de plus en plus insupportable chez les acteurs de la filière.
Kindo Ousseny à Man