Les 11 et 12 juin 2025, l’hôtel Amoitrin de Man a servi de cadre à un séminaire d’une importance stratégique pour l’avenir de l’agriculture ivoirienne. Pendant deux jours, l’Université Polytechnique de Man (UPM) et la Chambre Nationale d’Agriculture (CNA-CI), en partenariat avec des organisations professionnelles et interprofessionnelles, ont posé les bases d’un programme de formation inédit : un master professionnel en Transformation des Produits Agricoles et Valorisation des Biodéchets (TPAVB). Un programme né d’une volonté partagée de concilier formation, emploi et innovation au service du monde agricole.

Selon Dr Kouassi Flore Lago, secrétaire exécutive de la CNA-CI, cette initiative répond à un impératif de l’heure : rendre plus performante et compétitive la chaîne de valeur agricole ivoirienne. « Il fallait une réponse adaptée aux attentes de nos ressortissants, qu’ils soient transformateurs, coopératives ou encadreurs », a-t-elle expliqué. L’objectif est clair : former des champions capables de porter la transformation locale, levier essentiel de la politique agricole nationale voulue par le président Alassane Ouattara et son ministre d’État, ministre de l’agriculture, du développement rural et de la production vivrière, Kobena Kouassi Adjoumani.
L’originalité du programme repose sur sa co-construction avec les professionnels du secteur.
Le professeur Coulibaly Lacina, président de l’UPM, a souligné que ce master est le fruit d’un an de travail méthodique, d’évaluation des besoins en compétences et de consultations de terrain. « Nous avons confronté notre projet pédagogique aux réalités des agro-transformateurs. Leurs attentes en matière de compétences ont guidé la finalisation de la maquette », a-t-il précisé. Marketing, soft skills, gestion de l’énergie, maintenance, microbiologie, standardisation : tout a été pris en compte.

À travers des échanges francs et enrichissants, les parties prenantes ont exprimé leurs attentes. Le représentant du Conseil Café-Cacao a même proposé de remplacer le terme « biodéchets » par « coproduits », pour mieux refléter leur potentiel économique. Finalement, le terme « biodéchets » a été conservé pour faciliter l’intégration sur le marché du travail. À l’issue des travaux, la maquette pédagogique a été adoptée par acclamation. Une reconnaissance de la qualité du travail réalisé par l’équipe pédagogique dirigée par le professeur Jean-Marie Ouattara, vice-président de l’Université polytechnique de Man, chargé de la pédagogie.
Le master TPAVB vise trois orientations majeures : former des entrepreneurs capables de créer ou améliorer des unités de transformation, des conseillers pour guider les politiques publiques et des formateurs pour accompagner la professionnalisation du secteur. Ce triple débouché témoigne de l’ambition du projet : créer une masse critique de compétences pour accélérer la transformation agricole en Côte d’Ivoire.
Pour garantir le succès du programme, les initiateurs ont prévu un mode de formation mixte. En première année, 60 % des enseignements seront assurés par des universitaires et 40 % par des professionnels ; la tendance s’inversera en deuxième année. En parallèle, des certificats de compétences seront délivrés à 200 professionnels non titulaires de diplômes universitaires, afin de renforcer rapidement le tissu agro-industriel local. Le coût de la formation est estimé à 370 millions de francs CFA par an pour l’ensemble des 225 auditeurs.

Un appel a été lancé aux différents ministères (Agriculture, Environnement, Commerce, Enseignement supérieur), ainsi qu’aux collectivités territoriales, conseils filières et institutions partenaires pour le financement et la pérennisation du programme. Une convention tripartite entre l’UPM, la CNA-CI et les interprofessions agricoles est également prévue pour encadrer cette collaboration inédite.
Pour Mme Yavo Assa Patricia, directrice départementale de l’agriculture de Danané, représentante du ministre d’État Kobénan Kouassi Adjoumani, ce séminaire marque un tournant. « Il ne s’agit pas seulement d’un programme académique, mais d’un outil stratégique pour répondre aux défis de notre agriculture », a-t-elle affirmé. La valorisation des biodéchets, perçue autrefois comme un sujet marginal, devient ici un axe de développement durable et de création de valeur.
Le séminaire s’est conclu par une motion dite l’appel de Man, plaidoyer collectif en faveur du soutien étatique à la formation agricole spécialisée. À travers ce master, l’Université de Man et la Chambre nationale d’agriculture entendent outiller les acteurs agricoles pour que la Côte d’Ivoire atteigne l’objectif de transformer 50 % de ses matières agricoles localement. « Former pour transformer », telle est désormais la vision d’un partenariat exemplaire entre savoir académique et réalité paysanne.
Kindo Ousseny