Le Parc national du Mont Péko, jadis fragilisé par les crises sociopolitiques et l’occupation agricole illégale, amorce un tournant majeur vers sa renaissance écologique. Le 8 juillet 2025 à Duékoué, un atelier scientifique a permis de valider le rapport d’inventaire floristique du parc, fruit d’un travail minutieux mené dans le cadre d’un partenariat public-privé associant l’OIPR, IDH et Barry Callebaut. L’objectif : doter la Côte d’Ivoire d’un outil fiable pour planifier la restauration de cette forêt emblématique de l’ouest du pays, dont plus de 80 % du couvert naturel ont été perdus entre 2002 et 2013.

Pour le Lieutenant-colonel Beda Ange Alex, chargé du suivi écologique et du système d’information géographique à l’OIPR, les résultats de cette étude sont porteurs d’espoir : « Contrairement à ce qu’on croyait, le parc se porte bien. Nous avons retrouvé des espèces pionnières typiques des forêts denses humides. Mieux, il regorge encore de nombreuses espèces nobles et menacées, dont certaines figurent sur la liste rouge de l’UICN et celle du professeur Aké Assi de 1984. Environ 23 espèces menacées ont été recensées, ce qui montre le fort potentiel de régénération naturelle du site. »
L’étude floristique a été conduite sur 42 transects sélectionnés à partir du dispositif déjà utilisé pour l’inventaire de la faune. Près de 5000 individus végétaux ont été recensés. Selon le Dr Kpangui Kouassi Bruno, enseignant-chercheur à l’Université Lorougnon Guédé de Daloa, plusieurs essences précieuses comme le macoré, le niangon, l’aniégré, le fraqué ou encore le framiré sont encore présentes. « Cela augure d’une bonne reconstitution du couvert forestier si les efforts de conservation sont maintenus. Certaines zones centrales du parc sont déjà bien reconstituées », a-t-il affirmé.

Le colonel Assui Wa Kassi N’guessan Dawy, représentant le Directeur de Zone Ouest de l’OIPR, a pour sa part rappelé l’intérêt stratégique de cette étude : « Elle complète celles réalisées sur la faune, permettant de croiser les données pour une gestion intégrée. Les zones où la faune a été recensée sont désormais corrélées à leur potentiel floristique, ce qui oriente les décisions de conservation. » Cette approche écosystémique devrait permettre de cibler les actions de terrain selon les zones à fort potentiel de régénération.
Le colonel N’dri Pascal, représentant du Directeur général de l’OIPR, a salué la qualité du rapport validé et la richesse des échanges scientifiques. « Le Mont Péko était autrefois une forêt dense, comparable au Parc national de Taï. Aujourd’hui, une nouvelle couverture végétale s’installe, qu’il faut documenter pour suivre les évolutions et adapter nos plans d’aménagement. Cet atelier pose les bases de ce suivi écologique rigoureux. »
L’accent a également été mis sur la nécessité de renforcer la surveillance, notamment dans les zones abritant des reliques forestières et les espaces déjà en régénération naturelle. Le Lieutenant-colonel Beda recommande une vigilance accrue pour éviter de nouvelles pressions sur les espèces rares : « Il faut que ces zones soient protégées efficacement afin que les espèces menacées recensées ne subissent plus de dégradation. Et là où la forêt est très dégradée, la régénération naturelle doit être accompagnée par des actions ciblées. »

L’engagement de l’ensemble des parties prenantes – directions de zones de l’OIPR, chercheurs universitaires, partenaires techniques – démontre la volonté collective de sauver ce joyau écologique. L’atelier a permis de valider le rapport tout en identifiant ses forces et ses faiblesses, et des recommandations précises ont été formulées pour renforcer sa portée opérationnelle.
Le Mont Péko se positionne ainsi comme un modèle de résilience écologique. Grâce à la qualité des données collectées et à la synergie entre les institutions, la restauration de son couvert végétal devient un objectif réaliste. À travers cette dynamique, la Côte d’Ivoire prouve qu’un avenir vert est encore possible pour ses aires protégées, à condition de maintenir la rigueur scientifique, l’engagement politique et la vigilance communautaire. Le Mont Péko renaît, patiemment, mais sûrement.
Kindo Ousseny