Le soleil de novembre écrase de sa chaleur les bâtiments jaune-poussin de l’Université polytechnique de Man (UPM). Derrière le grand amphithéâtre, le restaurant universitaire, jadis bruyant et animé, gît dans un silence inquiétant. À la rentrée académique 2025-2026, les étudiants espéraient sa réouverture après la pause de l’année précédente. Deux mois plus tard, l’espoir s’est mué en frustration : les portes du réfectoire restent obstinément closes.

Sur le site, tout semble figé dans le temps. Les tables et chaises sont soigneusement rangées, la cuisine hermétiquement fermée. Autour du bâtiment, des herbes folles ont envahi les abords, comme pour signaler l’abandon. Le vent soulève des feuilles mortes tandis qu’un corbeau tourne paresseusement au-dessus du toit. À défaut de rires et de discussions, ce sont désormais les margouillats qui rythment le silence du lieu. Une atmosphère de cimetière plane sur ce qui était il y a moins d’un an, le cœur battant de la vie estudiantine.
Nous croisons un agent du CROU, Coulibaly Mamadou, la cinquantaine élégante, qui nous reçoit avec un sourire courtois. Il s’excuse, explique qu’il doit d’abord joindre sa hiérarchie avant toute déclaration. Quelques minutes plus tard, il revient, l’air gêné. « Le Directeur général du CROU est astreint à une obligation de réserve. Il ne peut s’exprimer sans l’autorisation de la tutelle », confie-t-il. Une réponse prudente, mais qui en dit long sur la délicatesse du sujet.
En attendant une décision officielle, les étudiants, eux, s’organisent tant bien que mal pour survivre. Doumbia O, inscrit en première année du cycle ingénieur, résume leur calvaire : « C’est très compliqué. Il faut marcher longtemps pour trouver à manger, parfois on saute des repas. À la fin, on est trop fatigués pour bien étudier. » Selon lui, la réouverture du restaurant « aiderait vraiment les étudiants à mieux travailler », surtout que le plat coûtait à peine 200 francs, contre 500 à 1 000 francs à Kassiapleu, le village voisin.
Même son de cloche chez Dorcas K.R., étudiante en licence de biologie-géologie-mine. Pour elle, « la distance et le coût de la nourriture rendent la vie difficile ». Elle confie, la voix lasse : « Parfois, on préfère ne pas manger plutôt que de dépenser tout notre argent. Si le restaurant était ouvert, ce serait plus simple et moins cher. »

Koné Pablo, un autre étudiant en sciences géologiques, évoque la lassitude collective : « On nous avait promis une réouverture en octobre, mais rien n’a bougé. On va tous les jours à Kassiapleu pour manger, c’est cher et loin. On veut juste que le restaurant rouvre. » Ces plaintes récurrentes traduisent une détresse partagée par des centaines d’étudiants, dont beaucoup viennent de familles modestes.
À l’administration centrale de l’UPM, un agent technique, qui a requis l’anonymat, précise : « Le restaurant relève du CROU, pas de la présidence de l’université. Nous n’avons aucune responsabilité directe sur ce site. » L’homme nous a orienté vers la direction du CROU, logée dans les résidences universitaires, sans garantie de réponse.
En attendant une réaction officielle, le restaurant de l’Université polytechnique de Man reste un symbole douloureux d’attente et de désillusion. Dans ce campus perché au cœur du Tonkpi, les étudiants continuent d’espérer que le silence du réfectoire cède bientôt la place au cliquetis des assiettes et aux éclats de voix joyeux de ceux qui veulent simplement étudier… le ventre plein.
Kindo Ousseny
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