L’ouverture de la 8ᵉ édition du Festival Tonkpi Nihidaley, le 3 décembre à Man, a une nouvelle fois confirmé la place centrale du colloque dans cette grande célébration culturelle. Consacré au thème « Culture et alliances interethniques », ce rendez-vous scientifique a réuni universitaires, autorités administratives et acteurs culturels, venus explorer les mécanismes ancestraux de cohésion et leurs enjeux contemporains. Pendant quatre jours, la réflexion se mêle ainsi à la fête pour valoriser un patrimoine séculaire au cœur des identités ivoiriennes.

Comme chaque année depuis 2017, le festival s’ouvre par cette rencontre de haut niveau, coordonnée par le professeur Gonin Gilbert, président du comité scientifique, avec la participation de l’ASCAD. Douze communications sont au programme pour interroger la portée actuelle des alliances interethniques, ces pactes d’amitié et de fraternité qui ont longtemps servi de régulateurs sociaux dans les communautés. Pour le commissaire général du festival, le professeur Bamba Lou Mathieu, leur analyse à l’épreuve de la modernité est un impératif pour mesurer leur capacité à répondre aux défis d’une société en mutation.
Dans son exposé introductif, le professeur Bamba Lou a rappelé que la culture doit être appréhendée dans sa globalité, englobant « les valeurs, les manières de vivre et d’être au monde ». Selon lui, les alliances interethniques constituent un instrument puissant de prévention des conflits, conçu par les peuples pour sauvegarder la paix. « Si cette pratique était opérationnelle dans les sociétés traditionnelles, qu’en est-il aujourd’hui ? », a-t-il interrogé, invitant les chercheurs à examiner la pertinence de ces mécanismes face aux institutions modernes, comme l’État, la justice ou les partis politiques.
Le secrétaire général de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG), Diamoutene Oumar Doh, représentant le ministre Zoro Epiphane Balo, Président de l’institution, a quant à lui établi un pont entre le thème du festival et la Journée internationale de lutte contre la corruption, célébrée chaque année autour du 9 décembre. Il a souligné que les alliances interethniques véhiculent des valeurs majeures — probité, loyauté, respect de la parole donnée — au fondement même de l’intégrité. « Certaines valeurs peuvent éduquer notre jeunesse à la résilience face à la corruption », a-t-il insisté, annonçant un panel dédié à « la contribution de la jeunesse à la construction d’une nation intègre ».

Parrain du colloque, le ministre-gouverneur du District des Montagnes, Albert Flindé, a salué la pertinence du thème, rappelant que le Tonkpi entretient des alliances avec « une dizaine de peuples de Côte d’Ivoire et d’ailleurs ». Selon lui, ces liens séculaires sont capables de dénouer des situations difficiles et de renforcer durablement la cohésion sociale. Il a exprimé sa satisfaction de voir la participation du peuple du Gontougo et d’une délégation Igbo du Nigeria, qui confère à cette édition une dimension plus ouverte et interrégionale.
Le président du Conseil régional du Tonkpi et PCA du festival, le ministre conseiller Albert Mabri Toikeusse, a rappelé que le colloque demeure « le moment de réflexion indispensable avant l’effervescence » des festivités. Il a indiqué que les conclusions serviront à lancer « des idées de promotion des alliances interethniques comme instrument de paix, de cohésion et de développement inclusif ». Il s’est également réjoui de la mobilisation des universitaires, des chefs traditionnels et de plusieurs institutions nationales.
Pour les organisateurs, cet espace d’échanges vise à dégager des pistes concrètes pour adapter ces alliances aux exigences contemporaines. Elles sont encore vivantes dans les pratiques sociales, mais nécessitent une redéfinition pour devenir des outils modernes de gouvernance, de prévention des crises et d’éducation citoyenne. Le panel scientifique se penchera notamment sur les fondements, les pratiques actuelles et les perspectives de transmission aux générations futures.

La forte implication de la HABG et de l’ASCAD a été saluée, ces deux institutions apportant un éclairage sur l’articulation entre tradition, modernité et gouvernance publique. Pour le professeur Bamba Lou, la lutte contre la corruption peut devenir « un lien synthétique entre la tradition et la modernité », en s’appuyant sur les valeurs transmises par les alliances.
Avec cette 8ᵉ édition, le Festival Tonkpi Nihidaley s’ouvre donc sous le signe d’une introspection identitaire profonde, avant que les festivités ne prennent possession de la ville de Man jusqu’au 6 décembre. En interrogeant les alliances interethniques, les participants renouent avec des repères essentiels pour bâtir un vivre-ensemble solide et projeter l’avenir du Tonkpi et de la Côte d’Ivoire sur les fondations d’une fraternité renouvelée.
Kindo Ousseny
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