Duekoué/ Guézon : Les victimes toujours sous le choc après les affrontements entre Guéré et Dozos

Temps de lecture : 6 minutes

La sous-préfecture de Guézon a connu des heures difficiles dans la nuit du dimanche 27 au lundi 28 décembre. À l’origine de cette situation, des frictions entre dozos et Guéré ayant causées la mort de 7 personnes dont deux enfants. Au titre du bilan matériel, c’est une quarantaine de maisons incendiées qui ont été enregistrées. 24h après les incidents man-ville.net s’est rendu sur les lieux.

À notre arrivée, nous sommes accueillis par un cadre de Guézon, Diomandé Drissa dit Loss à la sous-préfecture. Tout de suite, nous sommes conduits au foyer des jeunes où la population attend le nouveau ministre de la réconciliation nationale Kouadio Konan Bertin dit KKB pour apporter la compassion du gouvernement. Un calme olympien règne dans la salle. Les quelques jeunes présents, assis sous un hangar, nous fixe du regard. Personne ne dit mot. Le malaise est palpable dans la foule qui nous dévisage. Le silence observé est rompu dans les instants qui suivent notre arrivée. On entend des jeunes s’exprimer en patois. Nous ne comprenons  pas ce qu’il disent, mais sur les visages se lit la colère.
En ville comme au foyer, on constate une forte présence des forces de sécurité.

La première victime que nous accostons est dame Niomblei Djedouao Élise qui nous conduit chez elle à domicile ou du moins ce qu’il en reste. Elle est la sœur du président des jeunes.

Des témoignages poignants 

C’est un tas de ruine qui se présente à nous. Maison, cuisine, magasin, tout a été détruit par le feu. Son poulailler n’a  pas été épargné. Elle a tout perdu. Elle nous présente le seul poussin qu’il lui reste aujourd’hui comme bien. C’est au milieu de ce triste décor qu’elle nous raconte cette nuit d’horreur. « C’est dans notre cour que tout a commencé, étant de la famille du président des jeunes. Depuis notre maison, on entendait des coups de fusils. C’est de cette façon que nous nous sommes réfugiés chez des voisins. De ma cachette, j’assistais à la destruction de ma maison. Ils ont mis le feu partout comme ils ne trouvaient personne. Ensuite ils sont allés chez mon papa, ils ont aussi mis le feu à sa maison, à celle de mes oncles et ainsi de suite ».  Les dégâts, elle affirme ne pas pouvoir les quantifier tellement ils sont énormes. Selon elle, Ils n’ont rien pu sauver des flammes. Argent, bijoux, pagnes tout est parti en fumées. Y compris le grenier qui leur sert de réserve de nourriture.

Dame Alice elle est également sans voix suite à la perte de ses biens. Ce qui la chagrine plus, c’est la perte des documents des parcelles de terre de la famille et les diplômes de ses enfants dont certains vont encore à l’école. Sur place elle nous montre son coffre d’argent, contenant les billets détruits par les flammes.« Je suis triste parce que j’ai tout perdu. Je le suis encore plus quand je pense que les papiers de nos  terres, les diplômes de mes enfants ont tous été détruits et partis en fumées. Je ne sais plus à quel saint me vouer. Je suis complètement anéantie parce que c’est les seuls biens que nous possédions », déplore-t-elle, les yeux larmoyants.

De là, nous nous rendons chez dame Koulagnan Sohou Pauline, ménagère, veuve et mère de 4 enfants. Elle aussi comme la plupart des victimes semble totalement perdu.« Ici les veuves sont marginalisées. Quand je pense que ce sont mes souffrances de plusieurs années qui sont parties en fumées, je suis plus que triste. Je suis peiné vraiment», fond-t-elle.

Notre ronde, dans les maisons incendiés nous permet d’appréhender l’ampleur des dégâts. Certaines maisons visitées, contenaient encore des braises avec la fumée qui s’en échappait.

Au domicile de Guedin Pascal, président du conseil des chefs de Guezon, l’atmosphère est lourde quand nous arrivons. Il est, à la fois, le détenteur du sacré à Guezon. C’est avec amertume qu’il nous raconte la profanation du Glaé, masque sacré, l’identité culturelle du peuple Wê. « Notre temple sacré a été attaqué. Ma Maison est partie en fumées certes mais notre GLAE a été détruit. Et c’est c’est ce qui nous fait mal. Notre culture a été profanée par nos invités (allogènes) », fait savoir le détenteur du sacré à Guezon.

Les victimes demandent réparation 

Interrogées, toutes les victimes ont exprimé un seul souhait : la réparation du prejudice subit avant toute autre chose. « Nous sommes profondément meurtris par ces actes d’une extrême violence. Qu’avons nous fait pour mériter ces agissements. Plusieurs familles ont été obligées de fuir et aller chercher refuge chez d’autres personnes. Toutes ces habitations détruites et les dégâts matériels énormes occasionnés par ces affrontements nous laissent sans voix. Nous voulons juste que le gouvernement se penchent sur cette situation. Mais en attendant qu’ils pensent à soutenir les familles touchées », soutient le porte-parole des chefs de canton Guérré.

« Nous attendons que le gouvernement viennent nous aider à rependre nos activités. Nous avons tout perdu: bijoux, habits, ustensiles de cuisine.  Tout a été soit pillé soit parti en fumées. Nous sommes sinistrés. Nous n’avons rien, c’est pourquoi nos regards sont tournés vers le gouvernement. Il faut qu’on soit dédommager avant de parler de paix», confie un jeune du village. 

À l’origine des faits

Qu’est ce qui a bien pu se passer pour que s’abatte sur la sous-préfecture une telle spirale de violence?  Selon les informations recoupées sur place, l’origine des faits remonte au 22 décembre lorsqu’un jeune de la communauté Guéré arrête un dozo de passage dans son quartier pour lui demander des comptes. Le chapeau du dozo sera confisqué par le jeune Guéré. L’affaire portée devant le chef et le sous-préfet est restée sans suite. C’est ainsi qu’un dozo, autre que le propriétaire du chapeau, en colère a tenté d’aller le récupérer auprès du jeune Guéré. S’en est suivi une dispute qui a mal tourné et conduit à la mort du dozo.  Ensuite s’en suivront toutes ces destructions matérielles et humaines.

Le ministre KKB en pompier

Face donc à la situation tendue qui prévaut toujours, le gouvernement a dépêché en urgence le ministre de la réconciliation nationale sur place ce mardi 29 décembre. Kouadio Konan Bertin dit KKB s’est d’abord rendu chez les autochtones Guéré pour des échanges. Après les avoir écoutés, il a indiqué être venu apporter le soutien du gouvernement: « Nous sommes venus pleurer avec vous. Nous sortons à peine des élections et son corollaire de violences. Duekoue a déjà trop souffert. Nous sommes venus apporter le soutien du gouvernement. Bandez vos cœurs pour vous calmer. Le gouvernement est venu vous demander de vous calmer et d’apaiser vos cœurs. On ne peut rien vous donner parce que vous avez mal  », a demandé le ministre de la réconciliation.

Toujours dans la même veine, KKB a demandé à ses “parents de l’ouest” de ne pas être animés par un esprit quelconque de vengeance.« Je sais que vous êtes étreints par la douleur. Mais quand on est en colère on ne prend pas de décision. Ne soyez pas habités par la revanche, ça ne résoud rien. Bandez vos cœurs. Séchez vos larmes et sachez que nous sommes condamnés à vivre ensemble. Ne vous laissez pas animer par la violence et l’esprit de revanche. La Côte d’Ivoire est notre terre commune. Nous avons toujours vécu en symbiose et cette façon de faire ne nous honore pas. Je suis venu vous dire que le gouvernement est à vos côtés », a-t-il ajouté.

Pour toucher du doigt les réalités, le ministre a sillonné le quartier sinistré pour visiter les maisons incendiées et saluer les familles éplorées. Le ministre de la réconciliation s’est rendu par la suite dans le temple sacré des Glae pour constater les dégâts. Chacune des familles endeuillées a reçu 500 000 francs en guise de soutien. Après la communauté Guéré, le ministre KKB a été accueilli par les Malinke (Dozo). Là encore, le message a été le même. KKB a appelé à l’apaisement.

Le ministre est s’est par la suite rendu au chevet des blessés à Duekoue pour apporter la compassion du gouvernement. Une rencontre s’est tenue avec la population de Duekoue à la sous-préfecture. KKB a mis la population de Duekoue en mission auprès de leurs  frères de Guézon.« Continuez la mission que nous avons commencé, continuez de parler à nos parents. Continuez d’apaiser les cœurs. La Côte d’Ivoire ne mérite pas encore de traîner dans la violence. Faites en sorte qu’avant l’arrivée des émissaires du gouvernement pour la suite que nos parents ne soient pas animés par une quelconque vengeance», a-t-il souhaité.
Un couvre-feu été instauré à Guézon et les forces de sécurité venus de Daloa, Toulepleu, Duekoue et Man assurent la sécurité des biens et des personnes.

Doumbia Seydou

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