Enquête : Conflit foncier dans le Cavally

Temps de lecture : 5 minutes

Les dessous d’une crise à multiples rebondissements.

Depuis près de deux mois, un conflit foncier secoue la région du Cavally. Conflit qui a fait à ce jour un bilan macabre de 09 morts.

Selon des personnes interrogées à Guiglo, le conflit foncier qui a déclenché dans la forêt classée remonte depuis Janvier 2017. Ce conflit contrairement à ce qui se dit oppose les allochtones Akan de la région du Cavally à leur tuteur Wê. « Selon des Baoulé, Yaméogo Salam, un ressortissant du pays des hommes intègres a depuis 2013 et 2014 occupé environ, 9000 hectares dans la forêt classée de Gouin-Débé. Ces occupations ont été faites de forces. Quand il trace ses layons et qu’il tombe sur ta parcelle, il l’occupe contre ta volonté. Lui et ses hommes étaient armés, et c’est suite à des dénonciations anonymes qu’il a été mis aux arrêts par la brigade de gendarmerie de Guiglo », relate K A, que nous avons rencontré surplace. Le nommé Salam a été déféré au parquet de Man où il a écopé d’une peine d’emprisonnement ferme de 15 ans, 10 d’interdiction de séjour en territoire ivoirien et 5 ans de privation de ses droits civiques. En Janvier 2017, il a reçus à la prison civile de Man des jeunes Gérés venu lui rendre visite, vue le poids de la peine qui pèse sur lui, il décide de céder ses parcelles à ses tuteurs. Ceux-ci vont se rendre sur le site pour tenter une reprise en mains des parcelles que leur a cédé le pensionnaire de la maison d’arrêt et de correction de Man. Ils vont se heurter à une opposition des Akans qui avaient déjà occupé ces parcelles, arguant que ces plantations leur appartiennent.

Vue la montée de la tension, les chefs de communauté Baoulé ont été convoqués à deux reprises à Guiglo par les chefs coutumiers Wê avec à leur tête Koulayes Victor Emanuel, président de la chambre régional des chefs coutumier du Cavally, et le chef des Akan, ils n’ont pas osé répondre. « Les jeunes Guéré ont vu ces agissements des Baoulé comme une foutaise. Et ils ont décidé de s’organiser pour les déloger de forces. Les départs ont commencé depuis février et mars par là. Et au début il n’y avait pas de résistance.  Les Baoulé ont commencé à demander pardon, mais les jeunes Guéré étaient déterminés à déloger tous les Akan de la zone », témoigne notre interlocuteurs. Selon lui, les chefs coutumiers ont tenté plusieurs médiations qui ont échoué. Et progressivement, le conflit a commencé par se généraliser avec l’exode massif des baoulé. Cependant ce qui a aggravé la situation dans la forêt du Goin-Débé, c’est que des individus armés ont commencé par faire de ce conflit leur affaire. «Au début les gens acceptaient de partir pacifiquement de leur campement jusqu’à ce que des individus armés commencent par utiliser leurs armes pour des représailles dans les deux camps. Des campements ont été vandalisés, pillés avant d’être incendiés. Certains évoquent des morts mais nous n’avons pas de preuve », explique G E. un jeune Wê. D’après lui, même les bandits, qui opéraient sur les autres pistes de la région comme des coupeurs de route se sont déporter dans la zones pour braquer et voler des biens des gens.

 

Une rancune mal digérée

Notre premier vis-à-vis, KA a par ailleurs relevé que la généralisation du conflit dans toute la région est une répercussion de la crise poste électorale. « Généralement quand il y a conflit dans la zone, l’Etat et des Organisations non gouvernementale apportent de l’assistance humanitaire. Les habitués à ce genre d’aides, devenus nostalgiques à cause de la paix retrouvée ont profité de l’occasion  pour agresser tout ce qui est akan afin de créer une situation de crise. Ils s’attaquent à tout ce qui est Akan, Baoulé, Agny, Akan, Abron …etc. même les fonctionnaires de l’Etat n’étaient pas épargnés. Des instituteurs, des infirmiers, des agents du ministère de l’agriculture, bref, tous ceux qui sont Akans sont devenus des cibles. Exemple dans le Canton Fléo, entre Guiglo et Taï, la sous-préfecture de Kahadé qui ne sont pas dans la forêt classée sont affectées et les raisons ne s’expliquent pas. T. Emile, un Wê estime lui que les allochtones sont pas gentils et n’acceptent pas de rendre des services à leurs tuteurs.  Ce conflit a fait officiellement 09 morts dont six ressortissants Burkinabés. Ces cinq victimes selon les officiels que nous avons approchés n’avaient rien à voir avec le conflit.  « Ce sont des gens qui sont qui quitté à Paris Leonard dans la sous-préfecture de Zagné, ils allaient pour des funérailles à CIB lorsqu’ils ont été pris pour cible à Zeaglo », précise notre interlocuteur. D’après 4 corps ont été retrouvés dans une fausse commune et le cinquième qui était porté disparu a été retrouvé mort dans un marigot près du village de Kahadé. Une situation a provoqué l‘indignation et une tentative de révolte au sein de la communauté Burkinabé, qui d’après notre source préparait des représailles. « Heureusement, les Elus Sarr Bohé, le deputé de Guiglo Commune, Gui Serodé Hervé et la ministre Anne Ouloto sont intervenus à temps pour désamorcer la bombe. Les parents des défunts ont été appelés au calme.

Après les élus et cadres, la directrice régionale de la femme, de la protection de l’enfant et de la solidarité Nanga Marie Louise a elle aussi reçu les parents des victimes pour leur prise en charge psychosociale et surtout les sensibiliser à ne pas se rendre justice eux même et laisser les autorités compétentes résoudre ce problème. Un message qui semble bien passé eu égard l’accalmie qui règne dans la région depuis le passage de la ministre Anne Ouloto le Weekend dernier.  Cependant nos interlocuteurs déplorent le déploiement tardif des forces armées dans les zones affectées. Ils saluent par ailleurs les interventions de la gendarmerie nationale qui ont permis de limiter les dégâts. « Depuis le déploiement des formes armées et les éléments de la préfecture de police de Man dans la zone à la mi-octobre la situation s’est nettement améliorées » se félicitent nos interlocuteurs ».

 

Plus de 6747 déplacés dans la galère

Cette crise selon la directrice régionale de la solidarité a provoqué une crise humanitaire. Elle a fait au total 6747 déplacés, ils sont nombreux ceux qui sont retournés dans leurs régions d’origines dans le centre du pays. Plusieurs centaines ont trouvé refuge dans des villages voisins et d’autres dans des familles d’accueil. Sur le site de la préfecture de Guiglo, l’on enregistre encore la présence de 752 déplacés et 54 à la préfecture de Blolequin, venus de Zéaglo. Ces déplacés sont pris en charge par les services du ministère en charge de la solidarité. Cependant cette prise en charge ne se fait pas sans difficulté.  « Les stocks de vivre sont épuisés. Avec le préfet nous avons écrit au ministère et nous attendons le retour », espère la directrice régionale de la solidarité. Son Collaborateur N’guessan Jean Alex s’inquiète parce que jusque-là la tension reste vive dans la zone de Zeaglo. Et d’après lui ce sont les bras valides de la région qui sont entrain de fuir et cela a déjà commencé par se sentir sur le marché avec les augmentations des prix des denrées alimentaires, qui commencent à se faire rares. Il plaide cependant pour le retour de tous ceux qui ne sont pas dans les forêts classées. Autrement dit, c’est une véritable famine qui guette la région.

Kindo Ousseny envoyé spécial à Guiglo.

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