“Il n’y a pas de sots métiers”, dit l’adage. Cette exhortation, Anzoumana Soumahoro l’a compris. C’est pourquoi, il s’est choisi un métier pas comme les autres: celui de creuseur de tombes. Man-ville.net s’est intéressé à lui pour comprendre son activité en nous rendant sur son lieu de travail, le cimetière municipal. Notre reportage.
Chaque matin, très tôt, Anzoumana Soumahoro, la quarantaine révolue, muni de ses outils (machette, daba, pioche, pelles) se rend sur le lieu de son travail. Lequel boulot n’est ni la maçonnerie, ni la menuiserie, ni celui d’ouvrier sur un chantier. Anzoumana lui, va dans un endroit peut pratiqué par les vivants, le cimetière. Cet endroit où seuls les familles endeuillées y vont pour enterrer leurs morts ou pour se recueillir sur leurs tombes. C’est pourtant en ce lieu peu commode qu’Anzoumana passe toute sa journée à la recherche de son pain quotidien, en creusant des tombes.
“Je suis un messager pour les familles en détresse…”
“Tu mangeras à la sueur de ton front” disent les livres saints. Anzoumana Soumahoro ne semble pas déroger à cette tradition. Il gagne son pain quotidien, pas en volant mais en travaillant dur. Un métier pénible, peut on dire. Car chaque matin, du lundi au dimanche, Anzoumana se rend au cimetière municipal de Man pour creuser des tombes et gagner de quoi se nourrir et subvenir à ses besoins. Mais Comment se passe la journée d’un creuseur de tombe?
Anzoumana, une fois sur place, recherche un espace où on pourrait ensevelir un potentiel cadavre. L’espace trouvé, il désherbe l’endroit. Ensuite, à l’aide de sa pioche, Anzoumana se met à creuser la tombe jusqu’à à ce qu’elle soit prête. Apres l’avoir creusée, il la réserve pour des personnes qui viendraient à la hâte enterrer un des leurs « Je suis facilitateur, je suis celui qui permet à certaines familles d’avoir des tombes sans problème. Je ne suis pas un simple “creuseur” de tombes mais je suis comme un messager pour ces familles qui n’ont pas eu le temps de venir creuser la tombe de leur défunt. Aussi je suis là avec mon matériel dès que j’apprends qu’il y a un décès, je me mets à chercher une place où il n’y a pas de tombe vu que le cimetière est bourré. Dès que j’en trouve et que les parents d’un mort en cherchent je leur indique là où j’ai trouvé l’espace pour creuser en plus d’apporter mon aide aux familles qui viennent creuser les tombes de leurs défunts », explique Anzoumana.
“Les gens disent que je suis fou…”
Ce metier, voilà 15 ans qu’ Anzoumana Soumahoro le pratique. Ce métier qui pourrait, à première vue, heurter certaines consciences est ce qui permet au sieur Anzoumana de se prendre en charge. Même si depuis qu’il opté de faire ce travail, il a été mis en marge des activités familiales. « J’ai décidé de faire ce métier depuis plusieurs années parce que cela m’est venu comme une révélation. Je sais que ce métier est considéré par certains comme une chose vile et malsaine d’autres même disent que que je suis fou. Mais depuis 15 ans je suis dans ce métier, depuis 15 ans mon autonomie dépend de ce métier, depuis 15 ans je ne quémande pas un rond à quelqu’un. Ce métier a apporté une plus value à ma vie et à ma personne », souligne-t-il.
Pour Anzoumana, loin de lui toute idée mercantile. « Je ne vends pas les tombes, loin de moi cette idée. Quand je finis de creuser ou travailler, je fais fisabililah(aumône en arabe). Ce que chacun peut me donner, donne. Ceux qui ne peuvent pas aussi, ce n’est pas une obligation. Ce qu’on me donne je prend. Et c’est ce que Dieu a voulu que je gagne », ajoute il.
En ce qui concerne sa cagnotte journalière, Anzoumana explique que cela varie en fonction de la générosité des uns et des autres. « Les gens peuvent être parfois larges et je gagne jusqu’à 3000 fcfa. Il y a des jours où je gagne 200 fcfa voire 500 fcfa. Mais tout dépend de la largesse des personnes qui viennent au cimetière. C’est un métier qui a des hauts et des bas», soutient Anzoumana.
“Je voudrais continuer, ce que j’attends des autorités…”
Anzoumana Soumahoro aime son metier qu’il trouve plaisir à exercer. Et il souhaite de tout cœur poursuivre son travail qu’il considère comme une mission divine. C’est pourquoi, il souhaite non pas de l’argent mais une prise en charge sanitaire« Mon état de santé est constamment menacé. À cela s’ajoute les moqueries et médisances. Pourtant j’aide à accompagner nos morts dans leur dernières demeures. Ce métier est des plus pénibles. Voilà pourquoi après plus de 15 ans. Je suis le seul qui exerce ce métier dans ce cimetière. Je ne veux pas quémander, je ne veux pas être un mendiant, je ne veux pas sembler être pathétique aux yeux des gens. Je veux juste que les bonnes volontés pensent à moi en me donnant le nécessaire pour que je puisse faire un suivi de ma santé. Il faut qu’il m’aide à me maintenir pour que je continue à être ce facilitateur», souhaite Anzoumana Soumahoro.
Doumbia Seydou Badian
Leg: “Je ne vends pas les tombes. Je vis de la générosité des gens”