La Maison des chefs du Cavally a été le théâtre d’une vive contestation, ce mercredi 11 juin 2025, alors que plusieurs chefs traditionnels des régions du Guémon et du Cavally ont rejeté catégoriquement des nominations faites par un collège de la diaspora.

Convoqués par Sa Majesté Yadé Poho Luc, chef du village de Goya et coordinateur des chefs Wê du Cavally, les gardiens des traditions Wê ont dénoncé ce qu’ils qualifient de « dérive dangereuse » de la part d’un groupe autoproclamé de “doyens”, basé à Abidjan. Au cœur de la polémique : la désignation d’un certain Guy Monssio comme “chef suprême des Wê”, une fonction inexistante selon les textes coutumiers.
Dans une déclaration solennelle, lue par Sa Majesté Baillet Adrien, chef du village de Glopaody, les chefs ont exprimé leur indignation face à ce qu’ils considèrent comme une « usurpation d’autorité ».
« Nous, chefs traditionnels du Cavally et du Guémon, révoquons avec la dernière énergie ces nominations. Il n’existe pas de chef suprême des Wê. Cette fonction est absente des textes de la Chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire, tout comme de ceux de l’Union des Wê », a-t-il martelé.
Les chefs réunis ont pointé du doigt la légitimité contestable du collège des doyens de la diaspora, qui aurait pris ces décisions en dehors de tout cadre traditionnel ou institutionnel reconnu.
« Ces nominations ont été faites à Abidjan, une terre étrangère à nos pratiques coutumières. Le collège ne détient aucune onction traditionnelle pour désigner qui que ce soit à la tête de notre chefferie », a insisté Sa Majesté Baillet Adrien.
S’il reconnaît le rôle de repère que peut jouer le collège des doyens, il rejette ce qu’il considère comme une « arrogance institutionnelle ». Une position partagée et renforcée par Sa Majesté Goué Patrice, chef de canton de Bangolo et secrétaire intérimaire de la Chambre des rois et chefs traditionnels du Guémon. Pour lui, cette démarche constitue une menace sérieuse pour la stabilité du système coutumier Wê.
« Ce genre de décision unilatérale est intolérable. Elle risque de semer la confusion, voire des tensions au sein de nos communautés », a-t-il mis en garde.
Dans une atmosphère marquée par l’émotion et la solennité, Sa Majesté Yadé Poho Luc a appelé à l’apaisement et au dialogue.
« Ce n’est pas la personne de Guy Monssio qui est en cause, mais bien le procédé. Ce que nous défendons, c’est l’unité du peuple Wê. L’Ouest a assez souffert. N’en rajoutons pas. C’est dans l’unité et la solidarité que nous serons forts », a-t-il lancé, avant de conclure sous les applaudissements : « Nous ne voulons pas de “chef suprême Wê”. C’est tout. »
La rencontre a rassemblé plusieurs figures influentes de la chefferie traditionnelle, dont Guehi Anatole, chef de canton de Kouibly, et Lanté Julien, chef de tribu de Facobly. Tous ont exprimé leur attachement à la préservation des valeurs ancestrales et leur opposition à toute tentative de politisation ou d’ingérence dans leurs structures traditionnelles.
Cette journée, qualifiée de « moment de vérité » par certains participants, marque un tournant décisif dans la défense de l’identité culturelle Wê. Un signal fort envoyé à tous ceux qui, de près ou de loin, tenteraient de fragiliser l’équilibre de la chefferie.
Car pour les chefs du Guémon et du Cavally, une chose est claire : la chefferie Wê n’est ni un titre à s’acheter, ni une fonction à improviser.
Serge Coulibaly à Duekoué