La 5ème édition du festival des arts et de la culture Dan, “Tonkpi Nihidaley” a débuté le mercredi 07 décembre a démarré à l’espace « Nihidaley », au quartier Grand Gbapleu. Cette édition est placée sous le sceau de la maturité et de la réconciliation. L’objectif affiché par les organisateurs est de contribuer à la valorisation et au rayonnement de la culture et de l’identité Dan. Le thème principal du colloque de la 5ème édition est « Culture et religion ».
Après la cérémonie d’ouverture, 18 communications ont meublé le colloque réparti en trois panels. Premier Panel a porté sur les considérations générales du thème « culture et religion »
Dans cette rubrique, le Professeur BOA Thiémélé L. Ramsès, a exposé sur « La religion entre pluralisme culturel, culture et développement ». Pour lui, une société qui ne fait pas la promotion de sa culture s’affaiblie. Cette promotion passe nécessairement par la reconnaissance de la diversité culturelle, de la pluralité des cultures. Il suggère l’exemple de la société initiatique Komian des Akan comme modèle de sauvegarde et de transmission du patrimoine culturel africain.
Le second intervenant, M. Kouadio Augustin, s’est appesanti sur « Religions, Culture et Société ». Il s’est interrogé sur le rôle capital que doit jouer une religion pour impacter la culture locale de la société et contribuer ainsi à la transformation sociale escomptée. Répondant à sa propre préoccupation, il a objectivé qu’aucun pays ne peut se développer en empruntant une culture extérieure avant d’inviter les religions quelles que soient leurs obédiences à être des vecteurs de paix, de bonheur et d’épanouissement des communautés.
Quant au troisième communicant, Dr GONNIN Gilbert, sa présentation a porté sur « Evangile et culture : quelles valeurs communes ? »
En s’appuyant sur l’appel lancé par le pape Jean Paul II demandant aux peuples du monde d’ouvrir leurs portes à l’évangile de Christ, il s’est posé la question de savoir si, en ouvrant ces portes, les communautés locales ne perdent pas leur identité propre. La réponse se trouve dans l’inculturation qui, plus qu’une méthode, peut conduire à l’enrichissement mutuel des cultures qui entrent en contact.
Le Deuxième panel a porté sur : « culture et religion » dans l’air culturel Dan. Que peut apporter les religions révélées (christianisme, islam) à l’enrichissement de la culture du peuple Dan ? La réponse à cette problématique a enregistré au total 14 communications.
Chaque exposant a présenté un aspect de ce thème.
Répondant le premier à cette problématique, professeur et prêtre OGUI Cossi Gaston, exposant sur « Christianisme et Culture », a fait comprendre que l’inculturation qui pouvait être perçue comme une chance pour l’épanouissement et la survie de la culture traditionnelle Dan est insuffisante. Il a proposé d’explorer d’autres pistes comme le dialogue des cultures.
Pour Dr ZAN Tiato Daniel, au contraire, « l’usage de la langue, de la littérature orale et de la musique traditionnelle Dan dans les cultes religieux chrétiens » est une expérience salutaire pour la survie de la culture Dan et un acte de reconnaissance de sa vitalité.
Quant au pasteur KAYA, qui a opéré « L’analyse de la trajectoire du Dan dans les matins de Dieu de Jeanne Décorvet : du contact à la tolérance », il a affirmé que l’implantation de l’Union des églises évangéliques Services et œuvres de Côte d’Ivoire (UEESO-CI) depuis 1996 dans l’Ouest montagneux a été favorisée par l’ouverture et la tolérance, l’acceptation mutuelle dans l’altérité et la valorisation des acquis sociaux et culturels.
L’exposé de l’expert Achille César VAH a porté sur « Les pratiques culturelles Dan à l’épreuve des religions révélées: Cas des systèmes d’alliances, du XIXème à l’aube du XXIème siècle ». Il ressort de son étude que si l’islam a été plus tolérante à l’endroit de la pratique des alliances chez les peuples Dan à l’ouest de la Côte d’Ivoire, le christianisme a difficilement accepté une cohabitation avec une pratique païenne. Toutefois, celle-ci a su jusque-là s’adapter pour survivre.
A sa suite, Dr Gabin Nunkehon SEU a communiqué sur « Les traces de la religion dans les rites de la maturité chez les DAN : le Gonbon ou le GUEHEBON dans le département de Danané ». Partant de l’analyse des rites de la maturité Gongon ou Guéhébon (la circoncision) chez les DAN, il a établi un lien entre ces pratiques et la religion. De cette mise en parallèle, il ressort des fondamentaux similaires tels que la cohésion sociale, la paix, la tolérance, l’amour, le respect de son semblable, la formation etc. En définitive, pour lui, les religions importées consolident, confortent et dynamisent la pratique des rites de la maturité chez les DAN.
Succédant à Dr Gabin Nunkehon SEU, M. TOKPA Gouessé, est intervenu sur « La culture Toura : une culture ouverte au monde et à Dieu ». En développant la thèse selon laquelle Dieu est unique quels que soient les peuples, leurs origines et leurs visions du monde, il a essayé de démontrer la présence de la religion dans la culture Toura, et, vice versa, la culture Toura dans les religions diverses. En le disant, il s’est appuyé sur le cas du « masque » qu’il pense retrouver dans toutes les religions, à travers les accoutrements spéciaux des prêtres et pasteurs, imams et rabbins, lors des cultes…
A la suite de M. TOKPA Gouessé, Mlle Foungbé Sremin Urbaine a présenté « la perception du christianisme dans le pays Dan ». Elle est partie de l’historique de l’arrivée du christianisme en Afrique qui a été particulièrement bouleversante pour les pratiques culturelles en pays Dan. Elle a expliqué, par la suite, que ce bouleversement était le fait de l’incompatibilité des doctrines prônées de part et d’autre. Le christianisme, en effet, en demandant de faire table rase des cultures locales entrait ainsi dans un rapport de conflit. Partant de ce constant, son étude a finalement montré que si certains Dan ont accepté le Christianisme comme seul tremplin de salut éternel pour l’âme, d’autres, en revanche, le perçoivent comme un complément de leurs cultures traditionnelles, ou même comme une invention pour faire perdre leur identité culturelle.
Le dernier à intervenir dans cette rubrique a été M. GOGBEU Aboubakar Zangon Il s’est penché sur « Islam et culture Dan ». Pour lui, ce thème pose la question de la coexistence entre les religions et la culture DAN. Cette problématique a été l’occasion pour lui de développer un certain nombre points notamment les valeurs morales et sociales qui fondent l’islam (la paix, la solidarité, le partage, la tolérance, la sincérité, le courage…etc.), la valorisation de la culture DAN par l’islam (les valeurs communes à l’islam et à la culture DAN ; l’islam et la dot dans le mariage DAN, l’islam et la question de l’héritage chez les DAN…), et enfin les défis d’une coexistence harmonieuse entre l’islam et le peuple DAN (le dialogue, l’acceptation des différences…).
Troisième panel : « culture et religion » au sein d’autres communautés ivoiriennes.
Intervenant dans cette rubrique, Fatoumata BAMBA s’est penchée sur le sous-thème « islamisation et pratiques culturelles ouest africains : le poro et le dozoya dans le nord de la côte d’ivoire »
Fief ivoirien de l’islam, le nord de la Côte d’Ivoire est aussi le berceau de nombreuses institutions culturelles d’obédience animiste telles que le dozoya et le poro. L’adhésion massive de populations majoritairement musulmanes à ces pratiques jugées animistes nous amène à nous interroger sur les rapports entre l’islam et ces institutions. En effet, le poro et le dozoya sont considérées comme étant des pratiques animistes contraires aux principes de l’islam. Pourtant, la majorité des populations qui y adhèrent sont musulmanes.
Ensuite, KOFFI Kouassi Serge a exposé sur : « le komian a l’épreuve du christianisme en pays baoulé : entre rejet, abandon et dénigrement »
Pour lui, les Baoulé sont un peuple foncièrement animiste dont le culte des ancêtres est très prisé. A l’image du prêtre ou du pasteur qui préside l’office religieux chrétien, le komian est celui qui a cette lourde charge de communiquer avec les esprits des morts. Sa mission est de pouvoir apaiser les esprits, de trouver l’origine des maux qui minent la société et d’y apporter les remèdes ou les solutions appropriées.
kouakou Adja Angèle : « L’interpénétration de la culture Bron et du christianisme est-elle possible au XXIe siècle ? », a été le sujet de son exposé.
A l’en croire, l’avènement du christianisme dans le Bron Gyaman au XIXè siècle a chamboulé dans ses fondements la culture Bron. Dans leur volonté de colonisation, de destruction de la culture des Noirs, les Européens instaurent par des actions insidieuses leur religion. Cette religion Occidentale qui appartient à une autre culture avec des croyances fécondées par des valeurs propres vient se juxtaposer sur celle des Bron. Pour diverses raisons, certains Bron décident d’adopter le christianisme au détriment des valeurs ancestrales. Ce que d’autres trouvent scandaleux, voire aberrant. Pour eux, reconnaître et adopter la religion chrétienne serait renoncé à son africanité, à son essence.
Koné Drissa s’est exprimé sur l’Islam et traditions malinké en Côte d’Ivoire : heurt et compromis d’une rencontre
L’un des problèmes qui se posent aux religions révélées est celui de leur adaptation à la mentalité et au milieu africain. Les populations malinké, islamisées depuis de longues dates en Côte d’Ivoire, semblent avoir impacté la pratique islamique et vice-versa. Tout se passe comme si ces populations se sont taillées un islam sur mesure profondément marqué de leur tradition malgré les critiques des réformistes et autres orthodoxes musulmans.
Pour l’expert KRA Yao Séverin qui s’est prononcé sur la Tradition et le déni d’humanité dans les sociétés akan de Côte d’Ivoire, les immolations d’esclaves aux obsèques de nobles au Baoulé précolonial.
Les cérémonies rituelles qui entrainent l’immolation d’êtres humains en Afrique datent de très longtemps. Si de nos jours, la pauvreté pousse des désespérés à ôter la vie à leurs semblables dans l’espoir de devenir riches, celles pratiquées dans le Baoulé précolonial aux obsèques de nobles relevaient de la tradition et n’étaient nullement perçues comme un crime. Lors de ces rituels, la population cible était les esclaves du défunt noble.
Kindo Ousseny,
Source rapport du colloque de la 5ème édition du Nihidaley